Plantes et Coronavirus, il y a-t-il vraiment des risques ?

La question est posée de plus en plus fréquemment aux phytothérapeutes, herbalistes et/ou pharmacien/médecin depuis l’avis publié par l’ANSES en avril – avis mettant en garde contre l’utilisation des plantes à visée anti-inflammatoires dans le cas d’une infection au Covid 19.

 

Cet avis a été largement repris par les médias, plongeant les habitués de la phytothérapie dans la peur d’avoir commis de graves erreurs en consommant leurs plantes préventives habituelles.

De quoi parle t-on exactement, que dit vraiment l’ANSES, quelles plantes sont concernées et pourquoi ?

Les plantes anti inflammatoires déconseillées par l’ANSES

On sait depuis plusieurs semaines déjà que les médicaments de la famille des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), type ibuprofène par exemple, ne sont pas conseillés en cas d’infection au covid 19.

L’Anses a donc méticuleusement recherché les plantes qui seraient susceptibles d’avoir la même action via leurs molécules végétales et les a listés, sous le terme anti-inflammatoire végétaux (AIV).

Sont donc déconseillées à ce titre la reine des près, le saule, (car ces plantes contiennent de l’acide salicylique à partir duquel on a synthétisé l’acide acétylsalicylique, le principe actif de l’aspirine), mais aussi le bouleau, le peuplier, la verge d’or et le polygala, (une plante de la médecine traditionnelle chinoise,) l’harpagophytum, le curcuma, la myrrhe ou la boswellia. Sont également pointées du doigt par ce rapport les plantes stimulant l’immunité, parmi lesquelles l’échinacée et la griffe du chat, au titre qu’elles pourraient favoriser au contraire les réactions inflammatoires disproportionnées et potentiellement mortelles, les fameux orages de cytokines qui peuvent survenir au bout de quelques jours.

Ces recommandations sont purement préventives, car jusqu’à présent aucun cas d’aggravation de covid 19 par supplémentation phytothérapique n’a été recensé, malgré les milliers de personnes dans le monde qui y ont recours chaque jour.

En Chine, la très officielle Académie des sciences a même officiellement conseillé d’avoir recours à la phytothérapie de la médecine traditionnelle chinoise en complément des soins nécessaires pratiqués dans les hôpitaux.

Cette même académie a également affirmé étudier l’action de la Renouée du Japon sur l’inhibition de la réplication virale du coronavirus.

L’Anses cite d’ailleurs dans ce même rapport une étude chinoise ayant démontré l’efficacité de certaines plantes de la médecine traditionnelle chinoise à inhiber la fixation des coronavirus aux fameux récepteurs ACE2 !

L’avis de l’Anses vise donc plutôt à déconseiller l’automédication qu’à interdire l’utilisation des plantes.

Pour y voir plus clair, il faut comprendre comment fonctionne (ou dysfonctionne) la réaction de défense de l’organisme et les mécanismes d’action du Covid 19 ; mécanismes encore bien méconnus…

Une inflammation nécessaire au début de toute agression virale

Les anti-inflammatoires sont déconseillés car l’inflammation fait partie du processus naturel de défense de l’organisme contre toute agression : cette réaction naturelle permet à l’organisme de mieux mobiliser ses troupes et favorise également la montée de la fièvre…

Selon les dernières recommandations officielles, la prise de paracétamol est possible, bien que non conseillée si la fièvre reste supportable.

En effet, la fièvre est indissociable et tout aussi indispensable que l’inflammation pour que l’organisme puisse faire front.

Il serait donc effectivement logique de respecter l’une et l’autre ; tant qu’elles restent mesurées, l’inflammation et la fièvre sont les alliées de l’organisme dans sa lutte.

La prise de plantes à visée anti-inflammatoire n’est donc pas logique à ce stade et d’ailleurs la phytothérapie n’a jamais prétendu assumer la prise en charge d’une infection à coronavirus débutante. Mais à ce stade, le paracétamol n’a pas davantage lieu d’être si la fièvre est modérée…

Un mode d’action inédit, un principe de précaution nécessaire

Le covid 19 n’est pas comparable aux virus respiratoires classiques, pour lesquels la phytothérapie est largement documentée : à ce titre, et tant que les mécanismes de ce nouveau virus ne sont pas clairement établi, mieux vaut en effet être prudent.

Le coronavirus peut leurrer le système immunitaire et « passer en dessous des radars » pendant quelques jours, le temps de s’installer et de se multiplier, notamment grâce à certaines de nos propres bactéries intestinales !

C’est ensuite la réaction de panique de l’organisme qui déclenche une réaction immunitaire exagérée, les dangereux orages de cytokines ; à ce stade, le coronavirus déclenche une réaction qui tient plus de la maladie auto-immune ou de l’allergie que de l’infection virale classique.

A ce stade seulement, sont testés au contraire des immunomodulateurs, capables de freiner le système immunitaire et de faire baisser l’inflammation, ou même depuis peu des antis histaminiques.

Aucune auto médication n’est possible à ce stade au vu de la gravité du phénomène, mais à ce moment et sous contrôle médical, il est dommage que l’efficacité des plantes anti inflammatoires ne soient pas testées.

Que faire pour ne pas prendre de risques ?

Certains argumentent que l’infection au coronavirus passant le plus souvent inaperçu, mieux vaut arrêter la prise de ces plantes dès maintenant.

Pour autant, l’ANSES est loin d’être aussi catégorique : si elle conseille d’arrêter la prise de compléments alimentaires contenant ces plantes en cas de suspicion de coronavirus, elle incite simplement les personnes les prenant en prévention ou par confort pour d’autres pathologies de se référer à l’avis de leur médecin traitant.

Les compléments alimentaires et les plantes ne sont pas employés pour traiter le coronavirus mais seulement consommés dans le but de renforcer un terrain, soit en prévention d’une agression soit en complément pour améliorer le confort : l’avis de l’ANSES ne retire pas cette indication de prévention, mais met seulement en garde contre une mauvaise utilisation en cas d’infection déclarée au covid 19, en bref elle déconseille surtout l’automédication, ce en quoi tout les défenseurs des solutions naturelles lui donneront raison.

De plus les dosages des molécules contenues dans les plantes ne sont pas comparables à une prise médicamenteuse, comme l’ANSES le stipule clairement au sujet par exemple du saule, aux pages 14/15 : « De plus, les bioéquivalences en acide acétylsalicylique sont faibles y compris aux doses d’extrait de saule les plus élevées (< 90 mg donc insuffisantes pour obtenir l’effet anti-inflammatoire de l’aspirine) ».

Et surtout, contrairement à l’aspirine, le saule ne contient pas qu’une seule molécule : c’est la synergie, l’alchimie peut-on dire, entre toutes les molécules présentes dans une plante qui lui confère son activité unique.

L’ensemble des principes actifs pouvant se moduler ou se tempérer entre eux.

L’ANSES stipule même « qu’il n’est pas possible de transposer [l’activité] connue pour l’acide acétylsalicylique ou d’autres AINS aux extraits de saule. »

Cependant les effets anti-inflammatoires démontrés par ces plantes lors d’études cliniques incite l’ANSES à la prudence.

Comme évoqué plus haut, leur prise n’est pas logique en début d’infection virale, même si leur action ne peut être comparée à celles des antis inflammatoires incriminés.

Pas vraiment de quoi jeter un pavé dans une mare.

L’action immunostimulante des échinacées est clairement documentée par l’ANSES : on peut donc officiellement penser qu’en prévention cette plante est capable de renforcer l’immunité naturelle…

Toutefois, l’échinacée est une plante déconseillée en cas de maladie auto immune, du fait de son action stimulante.

Au vu des réactions immunitaires disproportionnées induites par le coronavirus, par principe de précaution, mieux vaut arrêter sa consommation en cas de suspicion de covid19, tant que les mécanismes de ce virus ne sont pas clairement établis.

L’avis de l’ANSES, s’il est décrypté dans son ensemble est loin d’être aussi négatif qu’il a été dit : il incite simplement à éviter l’automédication, et la panique créée par sa publication n’est que le reflet de la psychose causée par ce nouveau virus qui bouleverse bien des certitudes.

Aucun phytothérapeute ne peut raisonnablement prétendre avoir un remède miracle, mais il serait bien dommage de jeter le bébé avec l’eau du bain…

 

Article rédigé par Marie Chetaille
Auteur Santé/Bien être
Diplômée CENA Robert Masson
Certificat de compétence en Homéopathie
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