Les techniques d’induction hypnotique rapides

Avant d’entreprendre l’induction, il faut que le sujet soit placé dans des conditions de confort optimales pour lui permettre d’obtenir une très bonne relaxation.

Il faut donc d’abord s’as­surer que rien ne le perturbera sur le plan physique ; s’il a besoin d’aller aux toilettes il faut l’y envoyer avant de commencer, le placer dans un fauteuil très confortable pourvu d’un dossier suffisamment haut pour maintenir sa tête, les jambes étant étendues ; on bien sur un lit, la tête calée par un oreiller.

Dans l’hypnose, nous cherchons essentiellement à obtenir la régression. Si le sujet ne régresse pas, il n’a pas l’abandon ni la suggestibilité néces­saires pour entrer dans la transe. Nous cherchons donc à obtenir cet effet par l’utilisation de facteurs régressivants :

  • L’isolement sensoriel.

Le sujet est placé dans une atmo­sphère feutrée, sans bruits, avec un éclairage réduit. L’isolement sensoriel, ainsi que l’ont montré des études très poussées, a une action régressive.

  • Les manipulations.

L’hypnotiseur procède à des manipu­lations. An début de l’hypnose, on faisait des passes qui sont des manipulations consistant à mettre progressivement le sujet dans une atmosphère de bercement, de monotonie. Ces passes hypnotiques, qui déclenchent la transe au bout d’un certain temps, ont été abandonnées parce qu’elles introduisaient une relation trop proche, une relation de corps à corps avec le malade.

Or il est important de contrôler la relation, de ne pas être trop proche du malade. C’est pourquoi, les hypnothérapeu­tes préfèrent garder une certaine distance avec leurs patients et, par exemple, ils les reçoivent parfois non pas en costume de ville mais vêtus d’une blouse blanche.

Les passes ont été remplacées par la parole berçante, douce, monotone, monocorde, simple, une parole qui rappelle quelque peu le langage que nous avons vis-à-vis de l’enfant. Cette parole permet d’une part de fixer l’attention du sujet, d’empêcher le galopage mental, et d’autre part elle va permettre l’induction de l’état hypnotique.

Dans notre discours, nous n’utilisons pas de facteurs rationnels, mais des images, nous parlons au sujet des vacances, du beau temps, de la mer, de la montagne ; autrement dit, nous l’introduisons dans cette régression imaginaire, dans ce langage affectif qui est au-dessous du langage rationnel et le plaçons dans une situa­tion d’infériorité absolue qu’il accepte, ayant dépassé le stade critique. Cette régression partielle ne dure pas et doit être contrôlée par le thérapeute. Au cours de la transe hypnotique, le sujet expérimente un nouveau mode d’être, une nouvelle existence, un nouveau type de rapports avec l’hypnotiseur impli­quant une certaine dépendance psychophysiologique, un cer­ tain régime de fonctionnement tant dans l’ordre somatique que dans l’ordre psychologique.

On a parlé du langage du théra­peute qui est imaginaire, symbolique, langage du corps. Le patient répond lui aussi en langage du corps, c’est ce qui permet d’ailleurs d’expliquer le phénomène d’anesthésie au cours de l’état hypnotique.

 

Les techniques d’induction hypnotique rapides

Toutes les techniques d’induction rapide sont basées sur le même principe : le détournement brutal de l’attention du sujet qui est suivi par la suggestion impérative de dormir. L’utilisa­tion de ces techniques est extrêmement limitée et comporte, en gros, trois indications

  • lorsque le sujet présente d’entrée une résistance à l’hypnose et que le praticien a besoin de vaincre rapidement cette résis­tance
  • lorsque le thérapeute est limité par le temps
  • en cas d’urgence, en particulier chez les malades qui souf­frent ou lorsqu’il y a des facteurs de distraction et que la situa­ tion nécessite une intervention immédiate.

 

La technique de l’abbé Faria, technique simple, domina­trice

l’abbé Faria brandissait un crucifix, demandait aux mala­des de fixer le crucifix ; une fois le détournement de l’attention obtenue, il leur commandait impérativement de dormir.

La méthode d’Estabrook

dans cette méthode, le détourne­ ment de l’attention est obtenu en exerçant une forte compres­ sion sur le crâne du sujet qui est suivie d’une décompression brntale accompagnée de l’ordre : dormir.

Méthode de Withlow

la tête du sujet étant maintenue par la main gauche de l’opérateur, celui-ci exerce une forte pres­sion avec le pouce et l’index de la main droite sur les deux carotides.­ Cette pression ne sera pas maintenue plus de quinze secondes ; l’opérateur fait en même temps des suggestions de fermeture des paupières puis de sommeil. Cette méthode brnutale, provoquant une anoxie cérébrale transitoire, est à déconseil­ler formellement car elle peut déclencher des accidents graves.

Méthode de Hanssen

cette méthode est très brutale et nous la déconseillons. Elle revient essentiellement à déséquilibrer le sujet qui tombe sur le sol, ce qui provoque un détournement de son attention ; lorsqu’il est sur le sol, on lui donne l’ordre de dormir.

La technique de Fleischer

 c’est la technique la plus éla­borée. Nous allons étudier, d’une manière détaillée, la dynami­que de l’induction.

Dans cette méthode, le praticien et le patient sont debout tous les deux, face à face. Le praticien prend la main droite du patient comme pour la lui serrer et lui demande de se placer, les pieds joints, talon contre talon, pointe contre pointe (lorsqu’il s’agit d’une femme qui porte des talons hauts, on lui demande de se déchausser). Une fois le sujet  en position,  on lui dit :

« Fort bien ! maintenant êtes-vous prêt ? » Lorsqu’il vous a répondu oui ! , on lui commande : « Fermez les yeux  » Dès que les yeux du patient sont fermés, l’opérateur élève  le bras droit du patient jusqu’au niveau de l’épaule en prenant soin de placer sa main gauche sous le coude droit, en exerçant une légère pression de façon à ce que le bras droit du sujet soit en extension rigide. Le praticien place son pied gauche dix centi­ mètres en arrière du pied droit du patient et il dit alors : « Vous vous sentez tomber en arrière, vous tombez, vous tombez, vous tombez… » et, en même temps qu’il prononce ces paroles, il pousse imperceptiblement le sujet en arrière. (Dans la majorité des cas, les sujets basculent spontanément en arrière.) Dès que l’on a atteint la limite de la perte d’équilibre, l’opérateur qui tient la main droite du patient et qui tient également le coude droit, tire avec fermeté le sujet vers l’avant en lui commandant  :

« Dormez profondément, vous dormez ! » A ce stade, l’état d’hypnose obtenu est en général suffisant pour que l’on puisse donner les suggestions d’approfondissement classiques. On glisse une chaise derrière le sujet en lui suggérant que ses jambes deviennent de plus en plus molles, qu’il peut s’asseoir sur la chaise et que, dès qu’il sera assis, son état de relaxation s’appro fondira de plus en plus. Si après l’induction instantanée on a l’impression que la transe hypnotique obtenue n’est pas assez profonde, on approfondira tandis que le patient est encore debout, en se servant de la catalepsie rigide du bras suivant une technique qui sera donnée ultérieurement.

  • Hypnose instantanée en position assise : la même techni­que peut s’employer avec le patient en position assise. On demande au patient de s’asseoir sur une chaise ou un tabouret sans dossier, on s’assure que ses jambes ne sont pas croisées et que les pieds sont bien à plat sur le sol ; alors on demande au patient sa main droite et on la serre fermement eu lui disant  :

« Etes-vous prêt ? » Là encore, dès qu’il a répondu par l’affir­ mative, on lui demande de fermer les yeux, on lève son bras droit à l’horizontale en plaçant la main gauche sous le coude droit et on lui suggère qu’il tombe en arrière. Lorsqu’il a atteint la limite de la perte d’équilibre, on le tire fermement en avant en lui donnant l’ordre de « dormir profondément, profondément, profondément ».

 

Dynamique de l’induction hypnotique instantanée par la méthode de Fleischer

Comme nous l’avons dit, cette technique d’induction instanta­née est une technique très élaborée.

  • Le sujet est placé en position verticale, les pieds joints, talons et pointes, de manière à réduire an minimum le polygone de sustention, ce qui limite ses chances de résister tant à la suggestion de tomber en arrière qu’à la légère poussée que nous lui imprimons et dont il n’est pas conscient. Le professeur Hull, chef de file des bchaviouristcs, a fait une étude importante sur les tests de suggestibilité, en particulier sur la chute en arrière. Etude qu’il a publiée dans son livre L’Hypnose et la suggestibilité, parn en 1953. Ces tests de chute en arrière ont été pratiqués à l’université de Yale sur des centaines d’étudiants. Il a été prouvé que lorsqu’une personne qui se tient debout reçoit l’ordre de fermer les yeux et de s’imaginer qu’elle tombe en arrière, elle éprouve réellement l’impression de tomber en arrière. Hull a pu mettre ce fait en évidence sur 90 p. 100 des étudiants testés. De plus, il est bien évident que la réduction du polygone de sustentation ne fait qu’améliorer les
  • En serrant la main, on établit une communication non verbale où symboliquement l’opérateur est Je sujet
  • Lorsque nous élevons Je bras droit du patient et que nous le maintenons bien rigide à l’horizontale, ce dernier ne sent pas la légère poussée que nous lui imprimons vers l’arrière, tandis que son corps tout entier bascule jusqu’à la limite de la perte de l’équilibre. A ce moment-là, toute son attention est concentrée sur cette sensation de chute, il prend conscience de la réalité du phénomène. L’attention étant complètement détournée, nous pouvons maintenant implanter la suggestion en le tirant en avant et en lui ordonnant de dormir. Dans les conditions habituelles de l’hypnose, Fleischer, dont les techniques sont très proches des techniques sophroniques, n’utilise jamais le mot « sommeil » pour l’induction et préfère les suggestions de relaxation. Cependant,

dans l’induction instantanée, nous sommes obligés de nous servir d’un mot capable d’entraîner une réponse instantanée. Depuis l’enfance, nous avons été conditionnés à répondre au mot « sommeil » avec une compréhension et un effet immédiats. Par consé­quent, lorsque nous avons besoin de réaliser une induction immé­diate, il faut avoir recours à ce mot en dépit des inconvénients qu’il présente et que nous aurons l’occasion d’étudier.

 

Technique instantanée par la vision du doigt

Cette technique est simple, efficace et elle comporte elle aussi le détournement de l’attention, la convergence des globes oculaires vers le haut favorisant la déconnection intériorisante et l’implantation de la suggestion. Le patient étant assis, l’opéra­teur lui demande de fermer les yeux et, alors qu’il lui appuie fortement l’index sur le sommet du crâne, il lui demande d’ima­giner que le sommet de son crâne est en verre et qu’il lui est possible de voir son doigt au travers du crâne. Il lui dit alors :

« Vous pouvez voir le bout de mon doigt pendant que j’appuie sur votre tête ; fixez bien mon doigt (le sujet automatiquement fait converger ses yeux) ; et maintenant tout se passe comme si vous ne pouviez pas ouvrir vos yeux ; très bien ! ne tentez pas de les ouvrir et dormez, dormez profondément. » Il est évident que lorsque le sujet révulse ses yeux en arrière et tente de regarder le doigt au sommet du crâne, non seulement il lui est impossible d’ouvrir les yeux, et il a l’impression que le phénomène se pro­ duit réellement, mais encore la convergence des globes oculaires vers le haut provoque une déconnection intériorisante qui, à elle seule, peut entraîner un approfondissement de la transe hypnotique (on sait que les yogis du troisième œil se servent de la convergence des globes oculaires au début de leur médita­tion pour obtenir une déconnection intériorisante rapide). Et, là-dessus, grâce à la suggestion impérative « dormez ! », le patient entre en état d’hypnose et il est possible d’approfondir cet état grâce aux techniques habituelles.

 

Technique instantanée des mains croisées

Cette technique découle de la méthode des mains croisées qui sera étudiée plus loin. On demande au sujet de croiser ses mains en serrant les doigts les uns contre les autres puis on lui dit : « Fermez vos yeux ! Maintenant, imaginez que pendant que  je compte de un à trois vous ne pouvez absolument pas desser­rer vos mains, vous les sentez qui se serrent de plus en plus. Un ! plus étroitement serrées. Deux ! de plus en plus fortement serrées. Trois ! encore plus fortement serrées. Vos mains vous paraissent maintenant collées ; elles sont absolument verrouil­lées, vous ne pouvez plus les séparer ; n’essayez pas et dormez de plus en plus profondément, de plus en plus profondément, de plus en plus profondément. » Dès l’instant où Je patient aura l’impression de ne plus pouvoir séparer ses mains, toute son attention sera détournée et il aura l’impression que le phénomène se réalise. Vous pourrez alors implanter la suggestion « dor­mez ! » qui induira l’hypnose instantanée. L’opérateur permet alors au patient de se libérer les mains et il approfondit son état suivant les techniques classiques.

Il convient de noter que pour l’exécution de toutes les techni­ques d’induction instantanée les conditions nécessaires et suffi­santes à l’hypnose, que nous étudierons au chapitre suivant, sont réunies.