Dans mes précédents articles (yang-sheng, Yang-sheng partie 2), j’ai présenté 2 positions debout qui s’inscrivent dans un travail de méditation spécifique. La pratique de ces positions a ceci de particulier qu’elle peut autant s’inscrire dans un cadre de développement personnel que dans un cadre spirituel ; les principes sous-jacents se retrouvent aussi bien dans le Qi Gong que dans les pratiques taoïstes de santé et peuvent également se relier au bouddhisme. Ainsi, ce travail essentiel de posture constitue la porte d’entrée de ces approches différentes et complémentaires.
Une des principales caractéristiques de la méditation debout est qu’elle s’adresse à toutes les classes d’âge, enfants, adolescents et adultes.
Les enfants, en adoptant une position immobile apprendront à se calmer et à canaliser leur énergie ; Les adolescents pourront ainsi intensifier leur concentration et leur bien-être, qui leur fait souvent défaut en grandissant et qui est également liée à l’utilisation parfois abusive des smartphones et tablettes.
Si ces caractéristiques peuvent se développer chez les enfants et les adolescents, elles le peuvent tout autant chez les adultes ; Les personnes en proie à des addictions ou des pathologies physiques pourront aussi y trouver des moyens pour rétablir leur santé et améliorer leur vie.
La posture
Dans le tout premier article, j’ai présenté la posture Wuji, qui permet d’aborder la pratique de façon simple et aisée. J’ai également présenté les principes à respecter, à savoir comment placer chaque partie du corps.
Dans le second article, j’ai présenté la posture Fu Tuo Shi, qui reprend les mêmes principes par rapport au corps, exception faite de la position des bras, qui restent bas (cela permet de s’habituer à relâcher progressivement les tensions musculaires lorsqu’elles apparaissent).
Dans cet article, je vais donc présenter la troisième et dernière posture, Hun Yuan Zhuang.
Malgré le fait que le nom français « posture de l’arbre » soit le plus communément utilisé je vais, dans le cadre de cet article, volontairement garder son nom chinois. En effet, les caractères chinois utilisés évoquent de manière plus directe les qualités qui la caractérisent et que l’on va rechercher.
浑 Hun : Entier, complet
圆 Yuan : Rond, circulaire, sphérique
状 Zhuang : Forme, état, condition, position
浑圆状 Hunyuanzhuang : posture parfaitement ronde
Les caractères évoquent donc une forme de position, un état dans lequel on se place afin de rechercher l’unité, la circularité et l’harmonie.
Cet état est à la fois celui dans lequel on se place, physiquement et mentalement, mais aussi celui qu’on va chercher à atteindre progressivement dans le temps. On peut donc se rendre compte que cette forme d’exercice a une action sur les plans physiques, mentaux et énergétiques ; elle constitue le début, le milieu et la fin du processus et se suffit à elle-même.
L’unité représente à la fois l’union du corps et de l’esprit mais aussi l’union de l’être et de l’univers et de l’être avec son environnement.
L’aspect rond, circulaire, évoque dans la pensée chinoise la fluidité de la nature et de l’univers, à l’image des planètes qui sont sphériques. Cet aspect nous invite à nous visualiser comme un grand ballon, qui s’étend dans toutes les directions à travers les 3 dimensions physiques (vu que nous évoluons dans un monde en 3 dimensions).
C’est donc à travers la pratique que la personne va chercher à rétablir son équilibre naturel, faire circuler son Qi et équilibrer l’énergie de ses organes. De cette façon, le travail de « hun yuan zhuang gong » est à la fois une forme de méditation, à l’instar de la méditation assise, mais aussi une forme très avancée de Qi Gong qui n’utilise pas de mouvement.
Le corps
L’axe vertébral
On conserve le bassin en position légèrement assise et vers l’avant. On pousse/tire le sommet de la tête vers le ciel, ce qui va permettre au cou de se positionner correctement en laissant ressortir légèrement les vertèbres cervicales. On ne lève donc pas le menton.
On va également abaisser les épaules et ne pas bomber la poitrine, ce qui facilitera le maintien des vertèbres thoraciques dans l’axe et à la colonne vertébrale de rester droite. Le ventre, par la position assise du bassin, va se détendre et ainsi faciliter la respiration abdominale.
Le bassin, donc, va être légèrement tourné en avant (légère rétroversion) comme si l’on était assis. De ce fait, on peut visualiser que la pointe du coccyx pousse vers l’avant et vers le bas.
On peut ainsi voir que tout l’axe vertébral est droit, à l’image du corps appuyé sur un mur. Cette position du buste possède de nombreux avantages : faciliter les échanges gazeux, énergétiques et respiratoires entre le haut et le bas du corps, la circulation du sang est ainsi optimisée et cela permet au Qi de descendre dans le dantian, ce qui élimine les tensions accumulées dans le haut du corps, la tête et les épaules. De ce fait, cette droiture va faciliter le gonflement des poumons et améliorer la respiration.
L’action conjointe de l’étirement du sommet de la tête et de l’étirement du coccyx va nous permettre de légèrement atténuer les courbures de la colonne vertébrale, souvent trop prononcées donc douloureuses ou bloquées en raison du manque d’exercice et de pathologies dorsales. Lorsqu’on atténue ces courbures qui sont naturelles, on ne force surtout pas ; avec le bon alignement vertébral, les blocages de Qi et les tensions accumulées vont disparaître, laissant place à une meilleure santé.
La colonne vertébrale, en tant qu’organisatrice de la structure corporelle, est garante d’une bonne santé générale.
Ainsi, réduire la lordose lombaire qui est souvent trop prononcée en raison de notre mode de vie est important.
On peut imaginer, lorsqu’on pratique, que celle-ci est parfaitement droite ; cette image mentale va participer pleinement à la bonne tenue de la position.
Les jambes
On fait attention à ce que les appuis plantaires soient bien répartis de façon homogène, ce qui va permettre en gardant une légère assise du bassin de bien positionner les genoux. En effet, si les genoux sont mal positionnés, il en résulte des tensions et des pathologies à moyen terme.
Les jambes vont se positionner en fonction des pieds et des hanches ; les hanches vont rester alignées verticalement aux épaules. De ce fait, les genoux vont rester dans l’alignement et s’ils ont tendance à aller vers l’intérieur, on va volontairement les maintenir dans l’alignement en imitant la position d’un cavalier (en mandarin « ma bu »).
L’alignement
La position que l’on adopte ici est la même, à savoir que l’on est debout, bien droit, mais sans tension aucune. Les pieds sont écartés de la largeur des épaules ou des hanches, en fonction de votre aisance. Les pointes de pieds sont parallèles ou légèrement ouvertes. L’essentiel est d’équilibrer la position externe du corps dans les 6 directions (haut/bas, avant/arrière, gauche/droite).
Cet alignement postural est primordial et il faut insister sur son importance. Si cet alignement paraîtra un peu fastidieux au départ car bousculant les habitudes, ses bienfaits se feront rapidement sentir. Le pratiquant va progressivement ressentir de nouvelles sensations et des changements d’état : sensations de chaleur, de gonflements ou de picotements qui seront le signe de l’activation de la circulation du Qi et du sang. Ses muscles profonds posturaux gagneront en tonicité en même temps que ses muscles superficiels gagneront en détente et relâchement. Il pourra éventuellement voir son humeur et son sommeil s’améliorer. Tous ces signes positifs accompagneront l’amélioration de sa santé. Ils nourriront aussi sa motivation et le pousseront à continuer son entraînement.
Cette posture est extérieurement fixe lorsqu’on l’observe mais l’intérieur bouge : les muscles, tendons et ligaments sont sollicités par la position qui est tenue pendant le temps de la pratique, le sang et le Qi vont pouvoir circuler d’une façon optimale du fait de l’exercice.
L’esprit
Le Yi
On a donc vu que le travail préalable et néanmoins indispensable de cette pratique concerne l’aspect « externe », visible du corps. Ce travail a consisté à corriger le positionnement des différentes parties du corps par une action musculo-squelettique. On va aborder maintenant le second aspect essentiel, le travail dit « interne ». Ce travail consiste à avoir une action sur les états corporels internes (détente des muscles, stimulation du métabolisme, stimulation de l’action conjointe de circulation du Qi et du sang et accumulation du Qi) en utilisant exclusivement le mental et particulièrement le « Yi ». Le Yi peut être défini comme « intention », « imagination », « conscience ».
Le Yi est une volonté consciente qui s’appuie sur des images mentales, si possible agréables, positives et propres à chacun. Ces images mentales vont favoriser l’arrivée de sensations et ces sensations vont nous indiquer, comme nous l’avons souligné plus haut, si nous sommes sur le bon chemin ou non, à travers le temps.
On peut dire qu’on est sur le bon chemin si peu à peu on sent notre santé et notre bien-être global s’améliorer : selon notre condition au début de l’apprentissage, si progressivement on dort mieux, qu’on est de meilleure humeur, qu’on a plus confiance en soi, etc., on peut dire qu’on récolte les fruits d’une bonne pratique.
L’aspect méditatif
Le « hun yuan zhuang gong » est aussi une forme de méditation en position debout, qui partage les mêmes principes que la méditation en position assise telle qu’on la pratique dans le bouddhisme ou le taoïsme.
En effet, ces courants spirituels ont fait de la méditation la base de leur philosophie ; dans le bouddhisme, on travaille directement sur l’esprit et sa maîtrise, dans le taoïsme, on recherche le calme intérieur et à faire circuler le Qi dans le corps.
Dans la pratique, on va donc adopter une posture debout fixe en respectant les principes de l’alignement du corps énoncés plus haut.
La pratique comporte donc 2 aspects qu’il est fondamental de comprendre : l’aspect externe et l’aspect interne, caractérisé par des visualisations précises et une conscientisation progressive.
L’aspect méditatif se concrétise ainsi, par le fait de positionner l’attention sur une partie du corps et de concentrer l’esprit. Un principe chinois stipule que « où va le Yi se dirige le Qi », autrement dit là où se concentre l’esprit, l’énergie se dirige.
Description de l’exercice
Introduction
L’idéal est de commencer par 10 mn de pratique ; ce temps-là est par contre le minimum et ne sert qu’aux débutants ou aux personnes qui ont peu de temps dans la journée et qui souhaitent malgré tout pratiquer. Très rapidement, dans les jours ou les semaines qui suivent, il faudra passer à 20 mn.
La pratique du « zhuang gong » est très efficace et produit des résultats très rapidement ; elle s’adresse donc à tous, y compris aux malades et aux personnes en état de faiblesse et/ou de grande fatigue.
Par contre, je conseille à ces personnes-là d’être guidées. Je leur conseille également de pratiquer assis ou allongé en fonction de leur fatigue ou de leurs faiblesses. Dans ce cas-là, on abordera la pratique debout dans un second temps.
Description
On peut commencer la séance par un petit étirement du corps : pousser en haut, pousser en bas, tourner les épaules, les poignets, la taille, les chevilles.
Pour les débutants, il vaut mieux commencer par la posture Wuji, enchaîner avec Fu Tuo Shi et poursuivre par Hun Yuan Zhuang. Pour ceux qui sont déjà pratiquants et donc familiarisés avec la pratique, il est possible de travailler une des 3 ou directement la troisième posture.
Ensuite, on se met dans la position décrite précédemment (voir photo).
Les 2/3 premières minutes vont nous permettre de nous familiariser avec la posture, de « rentrer » dans la pratique en corrigeant la position du corps. On peut pratiquer les yeux ouverts ou fermés. Si on les garde ouverts, le regard se dirige vers l’intérieur du corps.
Ensuite, on se concentre sur le premier segment corporel, le segment mains/avant-bras/bras arrières-épaules. On va simplement observer les sensations qui se présentent et ramener l’esprit sur cet axe à chaque fois qu’on se rend compte qu’on est parti dans nos pensées. On va faire cela pour les 5 segments du corps.
En effet, dans notre approche nous nous concentrons sur 5 axes, qu’on pratique précisément dans cet ordre :
- Axe mains/bras/épaules
- Axe poitrine/ventre
- Axe dos/lombaires
- Axe hanches/cuisses/jambes/pieds
- Tout le corps
Pour ces 5 parties, on va simplement observer les sensations qui apparaissent et ramener l’esprit dessus à chaque fois qu’on se rend compte qu’on est sorti de cette attention.
J’ai bien conscience qu’il est difficile de rester concentré longtemps et de ressentir les 5 axes, surtout les premiers temps. Il est tout à fait normal qu’au bout d’un moment et de façon répétée la concentration se disperse. Lorsque les pensées arrivent en vague et perturbent la concentration, on prend au départ juste conscience de ce qu’il se passe en nous. C’est à ce moment précis qu’il est important de poursuivre la pratique et de ne pas abandonner ; c’est précisément par rapport à cela qu’on va apprendre à laisser couler, à lâcher prise et revenir sur le corps sans se forcer à la concentration. D’où la nécessité de commencer sur une durée courte.
Ces allers/retours entre concentration et dispersion sont un phénomène normal. Au fur et à mesure de votre avancée, ce phénomène va s’amoindrir et le maintien de la concentration sera de plus en plus effectif et facile.
Je vous recommande donc de ne pas vous forcer, ni trop vous contraindre. Cette approche est très progressive et nécessite du temps pour être assimilée.
Si vous voulez pratiquer les 5 parties, essayez d’accorder le même temps de pratique à chaque partie.
Je mettrai bientôt un lien vidéo de cette méditation guidée dans un prochain article.
Je publierai également par la suite un article qui traitera spécifiquement du Yi dans les pratiques énergétiques et internes chinoises.
Vous pouvez également me contacter par mail (indiqué à la fin de cet article) pour vos questions.
Bonne pratique !
Article rédigé par Grégory Cros
Contact: gregorycros@hotmail.fr