Le mythe de la drogue d’immortalité en médecine chinoise

L’Empereur Che Houang-ti, fondateur de la dynastie des Tsin, créa le premier empire unifié et centralisé (221 avant J .-C.). Il soutint l’école légaliste et combattit l’école confucéenne. Che Houang-ti entendit présider en personne à l’unification du langage, de la mon­naie, des poids et mesures, de la largeur des routes et même de l’écar­tement des essieux. Il brisa l’opposition passive des lettrés en prenant une mesure radicale : l’autodafé. Il ordonna la destruction des livres anciens par le feu (213 avant J.-C.); les ouvrages de médecine furent heureusement épargnés.

Un ministre, Li Sseu, unifia les caractères de l’écriture chinoise et un général, Mong T’ien, inventa l’usage du pinceau.
Che Houang-ti voulut étendre sa conception centralisatrice de l’autorité impériale au-delà du temps et des lieux. Il s’entoura d’une cour de médecins et de magiciens chargés de trouver la drogue d’immortalité. Devins et sorciers eurent leur place dans les pratiques surnaturelles. De lointaines expéditions furent envisagées. L’auguste Ts’in Che Houang-ti interrogea avec anxiété son conseiller Kouei Kou-tseu sur la plante d’immortalité.

Elle était réputée croître dans l’ile des Ancêtres située à l’Orient. On l’appelait Yang-chen tche (la plante tche qui nourrit l’esprit). Ses feuilles ressemblaient à la zizanie aquatique. Sa tige était grande. Une plante seule suffisait à redonner la vie.
Des Ts’in (221-205 avant J.-C.) aux Han (206 avant J.-C. à 220 après J.-C.), on vanta les vertus de cette plante mystérieuse. Che Houang ti ordonna même à Siu Fou d’organiser une expédition vers ‘île mystérieuse où l’on croyait voir, à travers la brume et le mirage, les heureux immortels.
La crise du Confucianisme qui marque la dynastie des Han est déterminante : on s’emploie alors à relever l’incohérence des ouvrages de !’Antiquité. Sseu-ma Ts’ien (145 avant J.C. – 90 avant J.-C.) critique le mysticisme de l’époque dans ses Mémoires historiques ( Che-ki), alors même que se poursuit la recherche de la « drogue d’immortalité», des champignons surnaturels et des herbes des génies. L’Empereur Han Wou-ti (140-85 avant J.C.) y place tous ses espoirs.

Son conseiller Li Chao-kiun rencontre le magicien Ngan K’i-cheng qui vendait des herbes médicinales au bord de la mer orientale : « Il se nourrissait de jujubes gros comme des courges. Quand il lui plaisait de parler aux hommes, il devenait visible et quand il ne voulait plus leur parler, il devenait invisible. » C’est par des plantes tout aussi mythiques que s’exprime le désir de longévité : témoins ces champignons appelés Tche (Ganoderma?). Ils étaient cueillis au début de l’hiver et se conservaient sans s’altérer. Ils étaient censés conférer l’immortalité.

On les appelait Ling-tche (Tche divin).
Il convient de bien distinguer les Tche (champignons) des anciens herbiers des Tche des M ateria M edica actuelles. Les premiers s’ap­pliquent à plusieurs espèces de champignons mythiques ou réels qui poussent sur des troncs d’arbres (Fomès?). Ils sont durs comme du bois et évoquent la durée. Les pharmacologues d’aujourd’hui ont conservé la vieille nomenclature populaire. Le Tche divin, le Tche du bois, est un champignon connu. Il s’agit du Tseu-tche (Tche pour­pre), Ganoderma japonicus (Fr.) Lloyd, qui croît dans les provinces méridionales de la Chine (Tcho-kiang, Kiang-si, Kouang-si, Kouang-tong, Hou-nan et Fou-kien).