L’analyse des symptômes nous conduit tout naturellement à l’étude des troubles fonctionnels. La perturbation des organes se traduit, en médecine classique, par un mauvais fonctionnement des « viscères » (Tsang) et des « organes » (Fou). Mais prenons garde : ces notions ne sauraient être interprétées (et réduites) à la manière occidentale en anatomopathologie. Les Tsang et les Fou font partie intégrante de la « physiologie chinoise» qui repose sur la circulation des «vaisseaux» (King), ou «méridiens» d’acupuncture. Chaque organe est connecté à un King ou méridien, et chaque méridien correspond à un traitement spécifique, à une drogue et à une plante médicinale. La pratique l’emporte toujours sur la théorie, car la médecine chinoise traditionnelle est avant tout un outil de travail. Pour respecter la vérité, l’historien (tout comme le clinicien) doit s’appuyer sur la réalité de la tradition vécue.
Deuxième grande idée, qui permet de guider la pratique : la médecine chinoise est la médecine de l’harmonie. L’équilibre du Yin et du Yang est, ni plus ni moins, synonyme de santé. L’excès engendre toujours la maladie : celui du Yin cause le refroidissement; celui du Yang provoque la fièvre. Rétablir l’équilibre perturbé: tel est le but de la médecine. La thérapeutique oscille perpétuellement, selon le cas, entre ces deux pôles. A la lumière de cet enseignement, on comprendra mieux l’importance de la circulation des « humeurs », qui crée une véritable interdépendance entre les parties du corps. De même que le ciel est parsemé de constellations et que la terre est parcourue par des canaux, l’homme possède des vaisseaux (King-mai) qui circulent à travers tout le corps. Ces derniers sont constamment comparés aux fleuves et aux rivières. L’ensemble des vaisseaux constitue un système de canaux dans lesquels le souffle, les substances nutritives et le sang circulent en un cercle sans Jin.
Les traditionalistes distinguaient en outre dans le corps de l’homme trois régions principales : la tête (région supérieure), la poitrine (région intermédiaire) et le ventre (région inférieure). Elles étaient séparées par le diaphragme (Ko). Tout ce qui était placé au-dessus du diaphragme était Yang. Tout ce qui était situé au-dessous était Yin, L’individu possède une forme (Hing) à l’intérieur de laquelle on trouvait « l’essence », assimilée ultérieurement au sperme. Les esprits (Chen), le souffle et le sang étaient les principaux constituants du corps humain. L’homme devait conserver l’intégralité de sa forme jusqu’à sa mort. (C’est pourquoi toute intervention chirurgicale était considérée comme une mutilation.) Pour préserver le souffle originel, il convenait d’harmoniser le Yin et le Yang. On vivait ainsi en concordance avec les cinq éléments : le Bois, le Feu, la Terre, le Métal et l’Eau.
Mais encore faut-il, avant d’aborder cette question des éléments, bien saisir la notion de viscère, si déterminante dans la médecine chi- noise classique.
Les viscères sont surtout des « cavités ». On ne peut les étudier sans les mettre en rapport avec les six « réceptacles » ou « entrailles » Fou.