L’Ayurveda est un mode de vie. La connaissance de l’Ayurveda permet de vivre intelligemment. C’est un système de connaissances qui rend possible une vie plus pleine, plus satisfaisante. La première considération de l’Âyurveda, c’est la vie, ôyus. La vie est un lieu d’expérience, onubhôvo, d’action, proyotno (effort continu), et de disposition, somskôro (formation, éducation).
Tout organisme vivant est différent des entités inanimées, parce qu’il a pour attribut la propriété de l’expérience. L’expérience déclenche l’action. Les expériences et les actions sont différemment déterminées par des dispositions qui caractérisent l’organisme; autrement, tous les êtres vivants seraient identiques. C’est l’unicité et l’individualité de chaque être qui est dénotée pas ôyus (qui signifie aussi « lû,-,gévité »). Âyu se réfère à ia « personnaiité, » une capacité qui demeure constante entre la naissance et la mort, une capacité qui nous aide à naviguer parmi les changements incessants qui renforcent ou affaiblissent les êtres vivants au cours d’une vie. C’est l’entretien de cette capacité qui est le propos de l’Âyurveda, la science d’Âyus.
Les concepts fondamentaux de l’âyurveda sont dérivés de la compréhension d’ôyus chez les êtres humains. Une personne vivante n’est pas individuelle au sens d’indivisible. Une personne est composée de nombreux aspects. Chaque personne est faite de corps, shor1’ro, d’organes des sens, indriyo, de mental, monos, et de Soi, ôtmon.
Le corps et les organes des sens sont matériels, alors que le mental et le Soi sont incorporels. Le « courant de conscience » expérimenté requiert nécessairement le mental; sinon, toutes les expériences s’amoncelleraient en un seul moment conscient.
Sans le véhicule du corps et des organes des sens, il n’est pas possible de faire l’expérience de quelque chose, ni de rendre compte de la richesse de l’expérience. La personnalité ou ôyus (l’existence, la vie) est un composé cohésif multi-entitentatif.
L’Âyurveda est une science du corps « expérimenté » et « ressenti, » et pas simplement du corps anatomique/chimique. La matière, qui constitue le corps, est accessible grâce aux organes des sens. Il y a cinq organes des sens extérieurs : de la vue, du toucher, de l’ouïe, du goût et de l’odorat. Le sixième, le mental, manas, est l’organe du sens interne, qui rend disponibles des souvenirs préalables de l’expérience.
Si nous considérons l’éventail des qualités qui nous sont données par les organes des sens, nous remarquerons que chacun recèle une qualité spéciale, qui n’est pas accessible aux autres organes des sens. L’odorat ne peut être touché ou vu. Le goût ne peut être entendu ou touché. Le son ne peut être goûté ou senti. Ce sont des qualités spéciales, ou secondaires, qui sont données par un seul organe sensoriel. Outre ces qualités, il y a les qualités générales ou primaires de la matière, qui sont données par les organes des sens et peuvent être reconnues indépendamment grâce au toucher et à la vue. Par exemple, le « nombre » des objets peut être calculé en touchant et en voyant, et la « taille » des objets peut être connue grâce au toucher et à la vue.
L’Ayurveda est la science de la matière expérimentale, et pas seulement du corps expérimental.
La réalité sensorielle est de caractère fantasmatique. Les mots, les couleurs, les textures, les odeurs et les goûts sont des révélations fantasmatiques de la réalité. Les dispositifs sensoriels spécialisés peuvent travailler sans erreur parce que chacune de ces cinq qualités spéciales peut être expérimentalement révélée de façon ordonnée. Si ces qualités sont authentiques, les cinq substrats matériels exclusifs doivent être considérés comme réels. Ces substrats matériels sont appelés panca mahôbhôta (cinq grands éléments, ou « spectres ») – les cinq éléments. Quelle que soit la composition atomique ou subatomique de la matière, elle est fondamentalement structurée en cinq formes élémentales, qui lui permettent d’être soumise à la sensation.
L’Ayurveda a trait à la matière sensorielle qui est quintuple. La traduction des cinq éléments par air, eau, feu, terre et éther est un peu inexacte, étant donné l’usage commun. Ils doivent être conçus comme des formations de matière qui sont capables de soutenir le son, le toucher, la vision, le goût et l’odorat. La matière sensorielle est ainsi divisée en cinq classes : ôkôsha (éther, espace), substrat du son, vôyu (air) comme le substrat du toucher, tejas (feu), comme substrat de la vision, opa (eau), comme substrat du goût, et prthivî (terre), comme substrat de l’odorat. Quand la matière va dans le corps par la nourriture, la respiration et la sensation, elle subit diverses opérations. Ces opérations doivent être saisies pour comprendre la nature de la matrice de l’entrée-sortie de la matière dans le corps.
Selon l’Âyurveda, il y a trois fonctions sensorielles opérationnelles dans le corps. Ce sont : vâta (moteur), pitta (transformateur) et kapha (liant). La matière se meut dans le corps ; elle est transformée dans le corps ; elle est liée dans le corps. Ce sont les trois véhicules de changement dans le corps. On les appelle communément les trois « humeurs ». Ces fonctions sont un processus continuel, et elles sont diversement accomplies dans un complexe matériel du corps. La matière du corps circule par les millions de canaux du corps ; la matière du corps est transformée de façon variée en formes utiles en plusieurs occasions ; cette matière transformée est fixée à l’endroit approprié, et la matière fixée est détachée pour être expulsée par l’excrétion avec la matière non utilisée. Ces trois véhicules sont faits de matière et sont une incarnation qualitative de l’activité matérielle. Il y a des éléments vitaux dans la matière qui caractérisent tous les changements dans le corps. On peut les inférer de signes ressentis dans le corps. L’un des traits ingénieux de la pensée ayurvédique, c’est de sentir, intuitionner, reconnaître et comprendre des opérations de ces éléments vitaux ou véhicules de changement. L’entrée-sortie est comprise grâce à l’usage de ces forces actives. Quand les fonctions motrices, transformatrices et fixatrices sont en équilibre, le corps est en bonne santé. Quand elles sont viciées, le corps est déséquilibré et malade. Le corps a besoin alors de restauration et de mesures correctrices. L’Ayurveda définit la maladie comme un déséquilibre (vikrt1) de ces éléments vitaux, appelés dosha (défauts, qualité des trois humeurs dans un état de déséquilibre).
Chaque corps est continuellement disposé à l’hyperactivité ou à l’hypo-activité de ces fonctions, individuellement ou en combinaison. Autrement, il n’y a pas de raison pour que tous les corps ne soient pas identiques. La compréhension des types corporels, fondée sur la reconnaissance de la prépondérance naturelle de ces fonctions, est essentielle pour déterminer la prakrti (nature, disposition) d’une personne. Ces constitutions basiques du corps et ces tendances fonctionnelles radicales du corps ne changent pas (le plus souvent) au cours d’une vie. C’est parce que des corps différents ont des constitutions différentes que l’entrée ou la sortie de la même matière est maniée différemment. L’état de santé et de vulnérabilité aux maladies diffère également. La compréhension de la constitution de base du corps aide à comprendre le caractère de la matière passant par le corps, et la possibilité d’un développement déviant.