Hypnose: La communication non verbale

L’un des buts de l’interrogatoire médical est d’établir une relation avec les malades. Mais le langage parlé, c’est-à-dire les mots, les symboles ou les bruits, ne représente qu’une partie du message, l’autre étant exprimée par des moyens différents.

Comme l’a très justement écrit Meares :

« La relation médecin­ malade peut être comparée à un système à canaux multiples, chaque canal pouvant transmettre différents messages simulta­nément. »

Elle s’établit bien sûr partiellement à l’aide du langage, mais il n’y a pas que le contenu logique des mots qui entre en ligne de compte, il y a la manière dont ils sont exprimés, et surtout ce qu’ils sous-entendent. Indépendamment de notre parole, notre attitude, nos gestes, nos expressions, notre mimi­que, bref notre comportement général donnent une certaine tona­lité à notre message.

Le message peut également se transmettre par le toucher ou par l’intermédiaire de la perception visuelle : mots, symboles, écrits. Dans notre vie quotidienne nous utili­sons couramment cette forme de communication. Un sourire, un haussement d’épaules, un clin d’œil, un hochement de tête, peuvent signifier davantage qu’un long discours.

Depuis les tra­vaux de Bernheim, on sait que la plupart des phénomènes de l’hypnose peuvent être obtenus à l’état de veille après avoir détourné l’attention du sujet. En 1940, au laboratoire de psy­chologie de l’université de Brooklyn, une expérimentation à grande échelle fut réalisée en vue d’étudier la dynamique de la suggestion à l’état de veille.

On se servit de jeunes étudiants, filles et garçons, ignorants de la nature et du but de l’expérience. On les fit entrer dans une salle de projection. Ceci se passait il y a une trentaine d’années, à une époque où l’érotisme et le nudisme n’avaient pas encore acquis droit de cité. Ces étudiants étaient âgés en moyenne de dix-huit ans. On leur projeta un film dont le thème était relativement simple : Un très beau jeune homme s’avance vers une femme jeune, très belle, légère­ment vêtue d’un bikini. L’homme porte un short déchiré, et ainsi à peine vêtu, il prend la jeune fille dans ses bras et com­mence à l’embrasser avec passion. Il est certain qu’une telle scène est de nature à capter entièrement l’attention de l’auditaire, ce qui était d’ailleurs le but recherché.

La scène se dérou­lait très lentement et, pendant son déroulement, l’assistant du professeur, assis au fond de la salle, répétait d’un ton monotone :  » Votre bras droit devient de plus en plus léger, de plus en plus léger, de plus en plus léger. » Et il constata qu’effective­ment, chez un certain nombre de sujets, le bras droit se soule­vait lentement. Le résultat avait été obtenu chez les sujets les plus suggestibles.

On leur demanda alors pourquoi ils avaient soulevé le bras ; ils répondirent que la projection avait eu lieu dans une salle de classe et qu’ils avaient entendu une voix pro­fessorale leur disant que leur bras devenait de plus en plus léger ; ils avaient interprété ces paroles comme un ordre de lever le bras. Il s’agissait là en réalité d’une tentative de justi­fication, de rationalisation. Nous trouvons toujours une bonne raison, après coup, pour nous justifier de notre conduite. Cer­tains psychologues lurent le compte rendu de l’expérience et soutinrent qu’effectivement ces jeunes gens, qui suivaient des cours depuis des années, avaient tout simplement obéi aux ordres suivant un mécanisme réel de réflexe conditionné.

Pour vérifier le bien-fondé de cette hypothèse, l’expérience fut renouvelée avec un groupe de jeunes gens non avertis et, là encore, ils constatèrent qu’un certain nombre de sujets levaient les bras. Une fois ce résultat obtenu, l’assistant qui conduisait l’expé­rience leur suggéra : « Je vais compter jusqu’à trois et, lorsque j’arriverai à trois, vos bras seront anesthésiés du coude jusqu’au bout des doigts. » A ce moment-là l’assistant fit le tour de la pièce muni  d’une aiguille hypodermique et donna des coups d’aiguille dans les bras ; il constata que les sujets ne présentaient pas le moindre signe de douleur. Cette expérience est une très belle démonstration de suggestion à l’état de veille, suggestion qui démontre que lorsque l’attention est détournée il n’est pas nécessaire d’être en état d’hypnose pour présenter des phéno­mènes dits hypnotiques, telle l’anesthésie.

 

Tests de suggestibilité

Il existe plusieurs tests qui permettent de déterminer la sugges­tibilité à l’état de veille et font partie de l’arsenal de l’ancienne hypnose ; ces tests sont rejetés par les sophrologues.

  1. Le test du balancement : on demande au sujet de se mettre debout, les pieds joints, les yeux fermés. L’hypnotiseur se trouve derrière lui et, après l’avoir assuré qu’il ne pourra tomber, lui suggère qu’une force l’attire en arrière. On voit alors le sujet commencer à osciller sur lui-même comme s’il était attiré vers l’arrière. Plus l’amplitude des oscillations est grande, plus le degré de suggestibilité est important.
  2. La catalepsie des paupières : après avoir ordonné au sujet de fermer les yeux, on lui suggère que ses paupières deviennent de plus en plus lourdes, qu’elles sont fermées, collées, qu’il ne peut plus ouvrir ses yeux. Le papillotement des paupières cons­titue déjà un excellent signe prouvant que la suggestion agit ; la difficulté que le sujet éprouvera à les ouvrir permettra de mesurer approximativement la suggestibilité.
  3. Le pendule de Chevreul : on place entre le pouce et l’index du sujet un petit pendule qu’il tient au-dessus d’une règle. On lui demande de fixer la boule en lui recommandant de ne faire aucun mouvement susceptible de faire osciller le pendule. On lui suggère alors que le pendule commence à oscil­ler le long de la règle et qu’il oscille de plus en plus. La rapi­dité et l’amplitude de la réponse permettent une évaluation de la suggestibilité.

Si l’on veut déterminer quels sont les sujets les plus  sugges­tibles d’un groupe, on peut avoir recours aux tests de la lévi­tation du bras ou des mains serrées que nous  avons  étudiés avec les techniques d’induction. Les sujets qui gardent les mains verrouillées le plus longtemps sont en principe les plus sugges­tibles. Avec ceux-ci vous pouvez aller plus loin et obtenir une catalepsie rigide du bras ainsi que des mouvements automati­ques, sans aucune communication verbale. Chez les plus sugges­tibles, il est possible d’obtenir, après ces exercices, une anesthésie limitée.