GANGRÈNE n. f. Mortification locale des tissus.
Sous ce terme sont groupés différents processus morbides caractérisés par une nécrose tissulaire et évoluant vers la mortification et l’élimination.
Généralités et causes. Quelle que soit la cause d’une gangrène, la nécrose est due à un défaut de nutrition ou d’oxygénation des tissus. Selon qu’il existe ou non une infection des tissus gangrénés, on distingue la gangrène sèche et la gangrène humide. Dans ce dernier cas, la surinfection entraîne une profonde altération de l’état général.
On distingue des gangrènes d’origine vasculaire et des gangrènes d’origine infectieuse.
1. Les gangrènes vasculaires. Dans ces cas, la gangrène est provoquée par une vascularisation insuffisante, due soit à une lésion des parois artérielles, soit à une oblitération artérielle aiguë ou chronique.
Trois étiologies sont à envisager :
1° LES PLAIES ARTÉRIELLES. Lorsqu’elles siègent au niveau des gros troncs artériels ou sur des segments dépourvus d’une circulation de suppléance, elles évoluent vers l’apparition d’une gangrène sous-jacente à l’interruption vasculaire.
Dès les premières heures les signes d’ischémie sont évidents : douleurs très violentes, changement de coloration du membre, qui prend un aspect marmoréen, et refroidissement net par rapport aux territoires vascularisés. A l’examen on note une disparition des pouls distaux et des oscillations artérielles. Le diagnostic de plaie artérielle est, en règle, facile, et il faut intervenir d’urgence avant que n’apparaissent la plaque de gangrène et le sillon d’élimination. Les co11tusions artérielles sont fréquemment à l’origine de gangrènes, car les signes d’ischémie aiguë risquent de passer inaperçus. Dans ce cas il n’y a pas de solution de continuité du vaisseau, mais une altération de la paroi vasculaire. Cette contusion de la paroi entraîne une oblitération de la lumière artérielle par un thrombus étendu très au-delà de la zone contuse;
2° L’ARTÉRITE DES MEMBRES INFÉRIEURS. C’est, de loin, la cause la plus fréquente des gangrènes. L’évolution d’une artérite peut être schématiquement divisée en deux temps :
a)Premier stade d’insuffisance circulatoire
relative : le malade se plaint de troubles de la marche évocateurs -une « claudication intermittente», la douleur, une réduction du périmètre de marche, c’est-à-dire du nombre de mètres que le malade peut parcourir à allure normale avant de ressentir la douleur. (V. ARTÉRITE.) A l’examen, deux signes permettent d’affirmer l’artérite des membres inférieurs :
– la disparition des pouls distaux ;
– la baisse de l’indice oscillométrique.
Le niveau des lésions athéromateuses peut être précisé par la mise en évidence d’un souffle discontinu (systolique) à l’auscultation artérielle. Cependant, à ce stade, seule l’artériographie précisera l’étendue des lésions et les possibilités thérapeutiques;
) Deuxième stade d’insuffisance circulatoire
sévère : l’apparition de douleurs nocturnes, calmées par la mise en déclive du membre, qui coïncide avec l’apparition des signes de gangrène. C’est au niveau des orteils, du talon ou des malléoles qu’apparaissent les premiers troubles trophiques graves. Ce sont, d’abord, des ulcérations planes cernées par une zone violacée, qui, progressivement, se creusent et s’étendent en périphérie, entraînant la formation de plaques brunâtres ou escarres. Le risque vital est important, les possibilités de la chirurgie conservatrice sont limitées, et seule l’amputation en territoire sain évitera le risque d’une surinfection.
L’atteinte des artères distales, ou artériolite, provoque des nécroses peu étendues, souvent récidivantes. Une forme est particulièrement utile à connaître : c’est l’artériolite digitale, qui se traduit par l’apparition de gangrènes localisées au niveau de la pulpe des doigts. Une sympathectomie enlevant les premier, deuxième et troisième ganglions de la chaîne sympathique dorsale entraîne une guérison spectaculaire. Classiquement sont décrites des gangrènes d’origine veineuse. En fait, une étude systématique permet de penser que ces gangrènes sont mixtes, d’origine artérielle et veineuse. Elles évoluent d’une manière identique aux précédentes;
3° LES EMBOLIES ARTÉRIELLES. Celles-ci provoquent des gangrènes étendues. Sur le plan clinique, les embolies artérielles sont dues à la migration de caillots formés dans les cavités gauches du cœur, chez des sujets porteurs de lésions des valvules mitrales ou aortiques, ou après un infarctus du myocarde. Chez un cardiaque, l’apparition brutale de signes d’ischémie aiguë impose la mise en route d’urgence d’un traitement anticoagulant intensif et le transfert en service de chirurgie cardio-vasculaire. Si le traitement par l’héparine n’entraîne pas une amélioration nette, la désobstruction chirurgicale doit être tentée dès les premières heures. Passé ce délai, le risque de gangrène est considérable.
Un tableau clinique semblable à l’embolie artérielle peut être réalisé par une thrombose aiguë chez un artéritique. Seule l’artériographie d’urgence permet le diagnostic.
Il. Les gangrènes infectieuses. Dans ces formes, l’insuffisance d’oxygénation tissulaire est en rapport avec la formation d’embols microbiens dans la lumière artérielle. Ces embols septiques sont secondaires à des infections diverses : cutanées, osseuses ou viscérales.
Ces gangrènes se caractérisent par :
– l’atteinte très marquée de l’état général ;
– la fréquence de nécroses siégeant en plu-sieurs points;
– le risque majeur d’évolution vers la ganzeuse.
Gangrène gazeuse:
Cette maladie est due à des germes anaérobies de la terre. Elle est caractérisée par des lésions rapidement extensives, lytiques (liquéfiant les tissus), gazogènes, s’accompagnant d’un retentissement à distance dû à l’effet toxique puissant des germes et par une évolution très grave.
Observées surtout en temps de guerre, sur des plaies très souillées de terre, les gangrènes gazeuses sont rares actuellement dans nos régions.
Les germes responsables sont le plus souvent Clostridium septicum, Clostridiwn œdematiens et Welchia perfringens.
+ SIGNES. Quelques heures après l’inoculation septique (plaie souillée de terre en général) apparaissent des douleurs vives au niveau de la plaie; une tuméfaction avec un œdème dur, douloureux, la déborde largement. En même temps, des signes généraux graves se manifestent (fièvre, faciès altéré, pouls accéléré, irrégulier).
Très rapidement les signes s’aggravent : localement, la douleur devient extrêmement vive, la tuméfaction s’étend considérablement, débordant sur tout un membre. La peau est tendue, livide ou marbrée (érysipèle bronzé de Velpeau). Cette tuméfaction est liée à une infiltration de gaz putrides sous la peau, donnant à la palpation une. sensation de crépitation neigeuse.
Les bords de la plaie sont gonflés, soulevés et mous; une odeur repoussante s’en dégage. Les signes généraux restent alarmants. L’évolution, bien qu’améliorée actuellement par les antibiotiques, est souvent fâcheuse.
Gangrène traitement
la gangrène nécessite une évaluation urgente et de traitement. en général, les tissus morts doivent être enlevés pour permettre la cicatrisation du tissu vivant entourant et prévenir de nouvelles infections. selon la région qui a la gangrène, l’état général de la personne, et la cause de la gangrène, le traitement peut inclure:
- amputer la partie du corps qui a la gangrène
- une opération d’urgence pour trouver et enlever les tissus morts
- une opération destinée à améliorer l’approvisionnement en sang dans la région
- antibiotiques
- opérations répétées de retirer les tissus morts (débridement)
- traitement de l’unité de soins intensifs (pour les patients gravement malades)
• Gangrène cutanée.
C’est une gangrène atteignant la peau en même temps que les tissus profonds (v. ci-dessus) ou la peau seule. Elle se manifeste par l’apparition d’une plaque rouge rapidement violacée, puis noir de charbon. Progressivement, en dix à vingt jours, les bords de la plaque noire se décollent et, lentement, la zone nécrosée s’élimine tandis qu’apparaît le tissu sous-cutané découvert. Les plaques de gangrène peuvent avoir une cause évidente : plaque apparaissant après un traumatisme sous J’influence de la tension provoquée par l’exsudation hémorragique; plaque après piqûre venimeuse. D’autres fois leur cause demande à être recherchée : tel est le cas des gangrènes dues aux rickettsies, qui sont d’origine infectieuse, des gangrènes dues à des troubles métaboliques (cryoglobulinémie », hypergammaglobulinémie).
Le traitement des gangrènes cutanées isolées comporte la défense contre l’infection ou la surinfection de la plaie que laissera la chute de l’escarre, puis un traitement cicatrisant. Si la cause est connue, il convient de la traiter, telle la rickettsiose par antibiothérapie, les piqûres venimeuses par le sérum antivenimeux adéquat, etc.
• Gangrène pulmonaire.
Elle consiste en une infection pulmonaire aiguë grave, due à des germes anaérobies. Elle est caractérisée par une expectoration putride d’odeur infecte (gaz d’égout) et par son évolution, qui, avant l’ère des antibiotiques, était rapidement mortelle au milieu de phénomènes toxi-infectieux. L’action remarquable et constante de la pénicilline sur les germes anaérobies a bouleversé le pronostic de cette affection autrefois redoutable.
Ill. Les gangrènes toxiques, Les gangrènes toxiques sont soit secondaires à une oxygénation insuffisante sur le plan quantitatif ou qualitatif, soit secondaires à une atteinte localisée du système vasculaire.
Les intoxications par l’oxyde de carbone ou les comas barbituriques provoquent des gangrènes cutanées qui répondent au premier mécanisme. Les injections sous-cutanées ou intramusculaires de substances entraînant une vaso-constriction prolongée (adrénaline) répondent au second mécanisme.