Induction hypnotique: Méthode de lévitation de la main droite d’Erickson

Cette technique qu’Erickson a mise au point en 1923, et qu’il a d’ailleurs personnellement abandonnée complètement, est très largement utilisée aux Etats-Unis par les odontologues.

Elle présente un avantage : celui d’amener en général le sujet hypno­tisé pour la première fois dans un état de transe souvent pro­fond. Elle présente par contre de sérieux inconvénients, dont le principal est l’imprévisibilité de la durée de l’induction qui peut durer parfois une heure et plus. Etant donné son intérêt his­torique, nous allons la donner in extenso :

« Asseyez-vous très confortablement sur cette chaise et lais­sez-vous aller, relaxez-vous. Maintenant que vous êtes assis confortablement, posez vos deux mains bien à plat sur vos cuis­ses. Vous allez surveiller vos mains très attentivement, remar­quez que vous pouvez les observer attentivement. Vous allez maintenant constater que certaines choses vont se produire au cours de votre relaxation. Elles se sont toujours produites quand vous vous relaxiez, mais vous n’y avez pas prêté attention. Je vous les signalerai au fur et à mesure. Je voudrais que vous vous concentriez sur toutes les sensations et toutes les impres­sions que vous ressentirez dans vos mains. Peut-être sentirez­ vous la lourdeur de votre main posée sur votre cuisse ou aurez­ vous la sensation d’une pression, peut-être sentirez-vous le contact de l’étoffe de vos pantalons contre la paume de votre main ou la chaleur de votre main sur votre cuisse. Je veux que vous observiez et que vous analysiez toutes les sensations que vous éprouvez. Peut-être ressentirez-vous une légère démangeai­son. Quelle que soit la sensation que vous ressentez, je veux que vous l’observiez. Regardez votre main et remarquez comme elle est tranquille, comme elle reste dans la même position. Il y a ce­pendant des mouvements en elle, mais ils ne sont pas encore per­ceptibles. Je veux que vous gardiez les yeux sur votre main. Concentrez toute votre attention sur votre main, ne vous laissez pas distraire, gardez les yeux fixés sur votre main et  attendez jusqu’à ce que les mouvements imperceptibles qui se trouvent en elle deviennent visibles. »

A ce stade de l’induction l’attention du sujet est concentrée et entièrement détournée, les suggestions très simples de lourdeur des mains, de pesanteur, de chaleur, qui sont celles que n’importe qui éprouverait dans les mêmes conditions, ont été réellement ressenties et il considère qu’elles sont le produit de sa propre expérience.

Il est donc en train de dépasser le stade de faculté critique et tout le jeu de l’hypnotiseur va consister à lui offrir maintenant des suggestions entraînant des réponses sensorielles ou motrices auxquelles il répondra comme si elles appartenaient  à sa propre expérience.

Normalement, si le sujet n’est pas résis­ tant, un léger mouvement, un léger tressaillement de sa main va apparaître ; il sera immédiatement signalé et on  ajoutera que ce mouvement va s’amplifier progressivement.

Le thérapeute doit également exploiter toutes les autres réactions objectives du sujet pour approfondir son état, la respiration profonde, un mouvement  des jambes  qu’il  aura  remarqué, etc.

« Il sera intéressant de voir lequel de vos doigts va bouger le premier, ce sera peut-être le majeur ou l’index, ou l’annulaire, ou l’auriculaire, ou le pouce. L’un de vos doigts va tressaillir ou bouger légèrement. Vous ne savez pas exactement quand, ni à quelle main, regardez toujours vos mains attentivement, et vous remarquerez d’abord un léger tressaillement, peut-être, à la main droite. Tenez ! Le pouce tressaille et bouge. Au  début du mouvement vous remarquerez une chose intéressante. Les espaces qui sont compris entre vos doigts s’élargissent très lentement, vos doigts s’écartent, vos doigts s’écartent très lente­ment, et vous noterez que les espaces entre vos doigts s’élargis­sent de plus en plus. Ils vont s’écarter lentement, les doigts s’écartent de plus en plus, de pins en plus, de plus en plus. »

(Nous avons placé ici la première suggestion réelle à laquelle le malade doit répondre. Si les doigts commencent à s’écarter effec­tivement c’est parce que le patient réagit comme prévu à la sug­gestion. L’hypnotiseur continue son jeu, il parle comme si la réponse avait pu venir d’elle-même dans le cours normal des événements.)

« Tandis que vos doigts s’écarteront, vous remarquerez que bientôt les doigts voudront se redresser en formant un arc au-dessus de la cuisse comme s’ils voulaient se lever de plus en plus haut, de plus en plus haut, de plus en plus hant. » (L’un des doigts commence à se lever, l’index par exemple.) « Remar­quez comme votre index se lève, et en même temps les autres doigts veulent suivre. Les voilà maintenant qui se lèvent lente­ment. » (Le phénomène se réalise.)

« Pendant que les doigts se lèveront vous allez ressentir une impression de légèreté dans la main, une sensation de légèreté d’autant plus que vos doigts se dressent en arc et que toute la main va se soulever, s’élever lentement, comme si c’était une plume, comme lorsqu’un ballon monte en l’air, monte, monte, monte en l’air, en l’air, en l’air, s’élève de plus en plus haut, de plus en plus haut, votre main devient de plus en plus légère, de plus en plus légère. »

(La main commence à se lever.)

« Quand vous regardez votre main se lever, vos remarquez que le bras monte, monte, monte en l’air un peu plus haut, un peu plus haut encore, encore, encore, encore. »

(Le bras s’est levé d’environ 10 cm au-dessus de la cuisse et le patient le regarde fixement.)

« Regardez toujours la main, le bras qui s’élève et, pendant que votre bras et votre main s’élèvent, vous constatez que vos yeux deviennent fatigués, que vos yeux deviennent de plus en plus fatigués, vos paupières deviennent de plus en plus lourdes, de plus en plus lourdes. Tandis que votre bras continue à se lever, vous vous sentirez fatigué, détendu, et vous aurez envie de dormir, une grande envie de dormir. Vos yeux se feront de plus en plus lourds et peut-être que vos paupières voudront se fermer. Et pendant que votre bras se lèvera de plus en plus haut, vous voudrez vous sentir de plus en plus détendu, vous aurez de plus en plus sommeil, vous voudrez éprouver un sentiment de paix, de détente, en fermant vos yeux et en vous endormant. »

(On utilise en réalité ici une technique d’approfondissement par superposition de suggestions, la réalisation de la suggestion précédente renforçant la suggestion suivante et approfondissant l’état du malade.)

« Votre bras s’élève encore de plus en plus haut, de plus en plus haut et vous devenez de plus en plus somnolent, vos pau­pières se font de plus en plus lourdes, de plus en plus lourdes, votre respiration devient de plus en plus lente, calme, régu­lière ; respirez profondément,  inspirez et expirez. Tandis  que vous regardez toujours votre main et votre bras, et que vous vous sentez de plus en plus somnolent et détendu, vous remar­quez que la direction de votre main va changer. Votre bras commence à se courber et la main va se rapprocher de plus en plus de votre visage, de plus en plus de votre visage, encore, encore, de plus en plus, et maintenant qu’elle se lève vous allez lentement mais sûrement entrer dans un profond, profond som­meil dans lequel vous vous détendrez profondément et autant que vous voudrez. Le bras va continuer à s’élever plus haut, encore plus haut jusqu’à ce qu’il ait atteint votre visage, et vous aurez de plus en plus sommeil, mais vous ne devez pas vous endormir avant que votre main n’atteigne votre visage. Quand votre main atteindra votre visage vous serez endormi, profondément endormi. » (Ici, il faut laisser le patient régler lui-même le rythme suivant lequel il va « s’endormir », de manière que lorsque sa main atteindra son visage il ait l’impres­sion de « s’endormir » parce que tel est son désir. La lévitation de la main et l’endormissement continuant à se renforcer mutuel­lement. Lorsque finalement le patient fermera les yeux, il va entrer dans une transe à l’induction de laquelle il aura parti­cipé. Par la suite il ne pourra donc pas nier l’existence du phé­nomène.)

« Maintenant, votre main change de direction ; elle s’élève vers votre visage, vos paupières sont de plus en plus lourdes, de plus en plus lourdes, vous avez de plus en plus sommeil, de plus en plus sommeil, vos yeux se font lourds, très lourds et votre main droite va vers votre visage, vous vous sentez de plus en plus fatigué et somnolent, vos yeux se ferment, vos yeux se collent. Quand votre main atteindra votre visage, vous serez endormi, plus profondément endormi, vous sentirez une grande somnolence et vous vous sentirez de plus en plus somnolent, de plus en plus somnolent, de plus en plus somnolent, vous aurez une grande envie de dormir, une grande fatigue. Vos paupières sont comme du plomb et votre main se lève, se lève droit vers votre visage et quand elle atteindra votre visage vous serez endormi. »

(La main du patient atteint son visage et ses yeux se ferment.)

« Dormez, dormez tout simplement, laissez-vous aller, je veux que vous vous laissiez aller, que vous vous relaxiez complètement, relaxez-vous, détendez tous vos muscles, ne pensez qu’à une chose, au sommeil, au sommeil profond, très  pro­fond, de plus en plus profond. »