L’état somnambulique en hypnose

De tous temps, on a constaté des cas de somnambulisme spontané. Pendant le sommeil normal, les somnambules naturels exécutent des actes dont ils ne conservent aucun souvenir au réveil. Cet état se produit chez ces sujets pendant la nuit, au cours du sommeil. Ils se lèvent, se promènent, exécutent des travaux, des calculs, de la broderie, écrivent, puis se couchent et conservent une amnésie totale de leur activité nocturne.

On note de nombreux cas où des personnes ont accompli ainsi des actions dont elles sont totalement incapables à l’état de veille : soulever des poids considérables, se promener en équilibre dans des endroits élevés et particulièrement périlleux. Certains artistes ont produit, dans de pareils moments, des œuvres remarquables, tel Paganini trouvant à son réveil, sur son bureau, la sonate dite « du Diable » qu’il attribua à ce dernier, ne se rappelant plus qu’il l’avait composée lui-même en état de somnambulisme.

On connaît plusieurs cas de peintres « médiumniques » telle Mathilde Poulvelary qui, à l’état de veille, n’avait pas la moindre notion de peinture, ne savait pas tenir un pinceau, et qui, la nuit, en état de somnambulisme, peignait des toiles qui laissent perplexes les critiques artistiques les plus éminents. C’est également le cas du facteur Lonné, ignorant tout de la peinture, du dessin, et qui fut initié à l’écriture automatique au cours d’une séance de spi­ritisme. Son écriture automatique devint graphisme, dessin, puis peinture. Ses créations en  « état second » révèlent une maîtrise étonnante du dessin et de la couleur, et ce n’est pas sans raison que les œuvres de Raphaël Lonné figurent en bonne place au Musée d’Art brut.

Les somnambules naturels se révèlent facilement sophroni­ sables, atteignant rapidement des états profonds ; ils peuvent être guéris de lem somnambulisme spontané par des suggestions appropriées faites en état sophroniquc. Rappelons que cet état de somnambulisme a été découvert par le marquis de Puységur, élève de Mesmer. Appelé chez Victor Ras, un paysan, atteint d’une fluxion de poitrine, il le magnétisa par des passes dites

« saturantes ». II le fit tomber dans un état de transe somnam­bulique où le sujet fit un diagnostic autoscopique, c’est-à-dire qu’il décrivit très exactement sa maladie et sa localisation. il indiqua à Puységur le traitement qui devait amener sa guérison. A partir de ce moment, ce qui fut appelé « transe somnambu­lique » devait faire partie des phénomènes magnétiques et plus tard hypnotiques.

Caractéristiques de l’état somnambulique

Le somnambulisme, au cours duquel le sujet peut ouvrir les yeux sans sortir de la transe, a été considéré par les hypnotiseurs comme l’état le plus profond de la transe hypnotique.

Le patient peut se lever, se promener, parler, tout en restant en état de transe profonde et en continuant à accepter les suggestions du thérapeute. 15 à 20% des sujets seulement sont capables de parvenir à l’état de somnambulisme dans les conditions habi­tuelles. Dans cet état, on peut produire très facilement des hallucinations positives et négatives, provoquer une anesthésie profonde, réaliser les suggestions postsophroniques les plus bizarres, enfin, obtenir, du moins apparemment, l’amnésie des événements passés pendant la transe.

Illusions et hallucinations

Il est très facile, chez un sujet en état de somnambulisme, de provoquer des illusions et des hallucinations. L’illusion est une image sensorielle transformée. Supposons que vous fassiez boire un verre d’eau à votre sujet en lui suggérant qu’il s’agit d’un château-margau 1959. Il boit ce vin et le trouve excellent. Vous avez produit une double illusion : il a bu le vin rouge et l’a trouvé excellent.

L’hallucination est une image sensorielle créée de toutes pièces. Si vous suggérez à un sujet qu’il a sur la table, devant lui, un verre de porto alors qu’il n’y a rien, il voit le verre : halluci­nation visuelle ; il le sent clans sa main : hallucination tactile ; il lui trouve une odeur agréable : hallucination olfactive ; il goûte le vin qui lui paraît excellent : hallucination gustative.

Les illusions et les hallucinations peuvent intéresser les cinq sens et l’on peut schématiquement les classer en trois caté­gories :

  • le sujet perçoit des images sensorielles qui n’existent pas en réalité, c’est une hallucination positive ;
  • le sujet ne perçoit pas les images sensorielles réelles, c’est une hallucination négative ;
  • le sujet éprouve un mélange d’hallucinations positives et négatives.

 

Hallucinations positives

Les hallucinations visuelles s’obtiennent difficilement et peu­vent être plus facilement induites lorsque le sujet en état de somnambulisme garde les yeux fermés. Il en est de même des hallucinations tactiles et auditives. Par contre, celles du goùt et de l’odorat peuvent être induites plus facilement et même parfois en état de transe moyenne. Voici quelques exem­ples d’hallucinations positives. Il est possible, en état de som­nambulisme, cle persuader un sujet qu’il est en train de boire un excellent champagne, puis de lui suggérer qu’il en a trop bu et de lui faire présenter tous les signes de l’ébriété.

Dans un autre ordre d’idées, on peut lui faire respirer de l’ammoniac en lui suggérant qu’il respire un grand parfum. Apparemment, il éprouve beaucoup de plaisir à respirer l’ammoniac. Enfin, comme nous l’avons montré au chapitre précédent, la suggestion d’un repas savoureux en état de transe sophronique entraîne chez les sujets toutes les modifications psychophysiologiques que déclencherait réellement sou absorption.

 

Hallucinations négatives

Les hallucinations peuvent être également négatives. Pour Bernheim, l’hallucination négative est en quelque sorte l’efface­ment par l’esprit d’une ou de plusieurs images sensorielles réelles. Supposons qu’outre celle qu’on a placée en état de som­nambulisme il y ait plusieurs personnes dans la pièce. Lorsque le sujet aura atteint l’état de somnambulisme, on lui suggérera que ces personnes sont sorties. Ouvrant les yeux, il ne les verra pas et tout se passera comme si, pour lui, elles n’existaient pas. Elles pourront alors lui crier à l’oreille, le pincer, le piquer, il ne bronchera pas. Si on lui ordonne de marcher, il bousculera celles qui se trouvent sur son passage sans présenter la moindre réaction. Bernheim avait déjà noté qu’au cours des hallucina­tions expérimentales, les images positives sont neutralisées et que le sujet leur substitue des images nouvelles fictives. C’est ainsi que si l’opérateur se rend invisible aux yeux du sujet, celui-ci verra à sa place un objet de chambre, tapisserie, chaise, meuble, que son imagination lui suggérera pour combler le vide.

Ces hallucinations positives et négatives n’ont pas seulement un intérêt académique ; elles peuvent avoir des applications thé­rapeutiques fort intéressantes.

Les visions dans la boule de cristal ou dans un miroir, en état de somnambulisme, sont des hallucinations visuelles. Dans cet état, le sujet visualise les scènes provenant de ses propres conflits, ses perturbations émotionnelles inconscientes.