Allergie aux arachides

L’arachide est une plante Légumineuse annuelle touffue, à fleurs jaunes, de la famille des Papilionacées.

Originaire d’Amérique du Sud, elle est surtout cultivée dans les pays chauds ; plus récemment, elle a été implantée en Europe, dans le Sud de la France. Les États-Unis en sont les premiers producteurs mon­diaux : en 1989, la récolte était de 4,03 milliards de livres et la consommation intérieure de 8 livres par personne et par an.

Sa graine, communément appelée la cacahuète, est consommée après torréfaction. Elle fournit également de l’huile par pression à froid ou à chaud, à partir de laquelle on obtient du beurre.

On estime que plus de la moitié de la production est transformée en beurre, que 20% sont consommés sous forme de cacahuète fraîche ou surtout grillée, et que 16% entrent dans la composition de friandises ou de pâtisse­ries. L’arachide est une source importante et bon marché de pro­téines, lipides, vitamines et sels minéraux : aux États-Unis, elle était très utilisée par les femmes enceintes pour enrichir leur régime.

Depuis 10 ans, l’augmentation de la fréquence de l’allergie à l’ara­chide constitue un phénomène mondial: l’arachide apparaît maintenant au second rang dans le classement des aliments respon­sables d’allergies. Les symptômes sont le plus souvent « explosifs », digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée), respiratoires (rhinites, syndrome oral, oedème laryngé, asthme) et/ou cutanéo-muqueux (urticaire aiguë, angio-œdème, exacerbation d’une dermatite atopique). Elle peut entraîner une anaphylaxie aiguë avec asthme, choc et mort subite. La moitié des décès par allergie alimentaire est imputable à l’arachide. On a décrit des cas de rhinite et d’asthme par inhalation de produits volatiles après l’ouverture de récipients contenant du beurre d’arachide. L’asthme et l’oedème de Quincke sont significativement plus fré­quents au cours de l’allergie à l’arachide qu’au cours des autres aller­gies. En revanche, la pré valence du choc anaphylactique est la même.

La connaissance des allergènes de l’arachide a régulièrement progres­sé depuis 10 ans. Initialement, les protéines allergisantes identifiées étaient des albumines et des globulines : arachine (PM 180Kd) et conarachine, complexe hétérogène correspondant à deux consti­tuants de 140 et 295Kd.

Les allergènes majeurs, différents selon les procédés d’extraction, sont présents dans les cacahuètes crues ou grillées : peanutl est une glycoprotéine, probablement une sous-fraction d’arachine ou de conarachine, obtenue à partir de graines grillées, non salées, dégraissées par action de l’acétone et de l’éther. Ara hl (glycoprotéine de 63,5Kd) et Ara hll (17Kd)…etc. Récemment, la connaissance de ces allergènes a fait des progrès déci­sifs puisqu’on identifie les allergènes depuis Ara hl jusqu’à Ara hV, récemment clones, puis séquencés. Ara hl, de poids moléculaire 65 Kd, appartenant à la famille des vicillines, comprenant 23 épitopes linéaires capables de lier les IgE. La technique des mutations par substitution d’acides aminés a permis de montrer que les épitopes qui se lient aux IgE se situent à la surface de la molécule. Ara hll, famille des conglutines (PM 17,5 Kd), est l’allergène dominant puis­qu’il est reconnu par plus de 90% des sujets allergiques à l’arachide. Les 10 épitopes qui se lient aux IgE sont répartis sur toute la longueur de la protéine. Ara hlll (PM 14 Kd), de la famille des glyci- nines, a été identifié comme un allergène de la cacahuète en utilisant des sérums de patients sensibilisés à l’arachide, puis une adsorption avec les protéines de soja. Les immunoblots montrent qu’une protéine de l’arachide, de PM 14 Kd, a 61% d’homologie avec le gène du soja, et en particulier la sous-unité G3 de la glycinine. On connaît aussi Ara hIV (15 Kd) de famille non connue et Ara hV (10 Kd), inhibiteur de la trypsine.

Jusqu’à ces dernières années, on admettait que l’huile d’arachide n’était pas allergisante. Cependant, des études plus précises ont montré que des huiles pressées à froid et non raffinées pouvaient recéler des quantités d’allergène certes faibles (0,2 à 3,3 p.g/ml d’al- lergène), mais suffisantes pour entraîner des réactions anaphylac­tiques chez les sujets fortement sensibilisés. Ces décou­vertes expliquent que des nourrissons puissent être sensibilisés à l’arachide sans en avoir apparemment consommé. Avec les laits matemisés contenant des huiles végétales (en particulier de l’huile d’arachide). Les autres modes de sensibilisations peuvent être les préparations vitaminiques contenant des excipients à base d’hui­le d’arachide et surtout le passage d’allergènes par voie trans­placentaire et via l’allaitement maternel, chez des mères qui consomment régulièrement des cacahuètes. Toutefois, à notre connaissance, les laits et les préparations vitaminiques incriminés ne contiennent plus d’huile d’arachide… et la fréquence des sensi­bilisations à l’arachide ne semblent pas diminuer, ce qui souligne l’importance des autres voies. De fait, chez le nourrisson à risque allergique (mère et/ou père atopiques), les programmes de préven­tion recommandent que l’alimentation maternelle pendant la grossesse et la lactation ne comporte pas d’arachide .

La seule prévention de cette allergie est une stricte éviction mais elle est parfois difficile car l’arachide est le plus fréquent des « allergènes masqués ». En effet, les produits qui peuvent contenir de l’arachide sont nombreux. On dispose de tests ELISA, commercialisés en Angleterre, qui permettent de détecter des taux d’allergènes de l’ordre du ppm dans les produits finis. Les patients allergiques sévères doivent avoir sur eux une carte signalant leur allergie ainsi qu’une trousse d’urgen­ce comprenant en particulier de l’adrénaline. Il existe à l’heure actuelle une forme d’adrénaline en kit (Anahelp®). L’allergie à l’arachide est une allergie durable, n’ayant aucune tendance à s’at­ténuer avec le temps. Ainsi, BOCK au cours d’un suivi de 32 enfants pendant 16 ans, n’observe aucune guérison. De plus, il relève une ingestion accidentelle d’arachide chez 75% des patients pendant les 5 dernières années suivant le diagnostic. Un patient sur 4 présente un nouvel accident par ingestion fortuite l’année suivante. Le constat est le même pour SAMPSON sur un suivi de 14 ans. Ces faits nécessitent la mise en place d’un projet d’ac­cueil individualisé en milieu scolaire.

Le traitement étiologique repose sur l’immunothérapie spécifique. La première étude en double-aveugle publiée par OPPENHE1MER et coll. concernait des patients sévèrement allergiques. Les trois patients désensibilisés ont une réduction notable du score clinique (de 67 à 100%) et de la réactivité cuta­née, à l’inverse des patients sous placebo. Mais cette « rushthérapie » n’était pas dénuée de risque : en effet, un décès survint par injec­tion accidentelle d’une dose d’entretien chez un patient sous pla­cebo. L’étude récente de NELSON et coll. semble montrer que les injections répétées d’extraits modifiés d’arachide permet­tent d’augmenter la dose tolérée par les sujets sévèrement aller­giques. Les effets secondaires systémiques restent cependant constants .

Les individus allergiques doivent consulter attentivement les éti­quetages et, au restaurant, demander la composition précise des plats. Depuis peu, à la suite de l’étude de KEATING, on dispo­se d’un dosage radio-immunologique permettant d’identifier des résidus de protéines de l’arachide à un niveau de 0,2 ppm ou plus Peanut PAK test® (Pro-Lab Diagnostics). De toute façon, les patients allergiques à l’arachide doivent avoir sur eux une trous­se contenant de l’adrénaline (ampoules à lmg/ml) et être instruits à s’injecter la dose requise : 0,01 mg/kg sous-cutané, soit 0,25 ml de 6 à 12 ans et 0,50 ml au dessus de 12 ans et l’adulte.